Hommage aux Artistes Antillo-Guyanais

Les Artistes des Antilles et de la Guyane, un patrimoine !

Cela fait désormais plus de 40 ans que la vie des Antilles, de la Guyane, de la Caraïbe, et de l’Outremer en général, est rythmée par le Zouk. Cette musique est devenue au fil des années un des plus grands ambassadeurs de la culture antillaise.

La musique antillaise s’est déployée sur l’ensemble de la planète, principalement grâce au travail des 2 groupes mythiques que sont Kassav’ et Malavoi. Le 1er est connu sur tous les continents et tous les océans. Le second n’est pas en reste, et a su pénétrer des cultures atypiques comme celles des sociétés asiatiques. Plusieurs témoignages rapportent, par exemple, l’agréable surprise d’entendre jouer la musique de Malavoi à la radio dans les taxis à Tokyo.

La Guadeloupe et la Martinique (2 îles quasi invisibles sur les cartes), ont donc de quoi être fières d’un tel rayonnement musical et culturel.

Le récent décès de Jacob Desvarieux, co-fondateur et guitariste historique du groupe Kassav a ébranlé les Antilles, l’Afrique et toute la diaspora afro-caribéenne. Plusieurs artistes de renom avaient déjà rejoint les étoiles, mais l’importance de Jacob dans la révolution musicale Antillaise est tellement profonde que la question de la gestion de cet héritage se pose désormais. La relève se doit d'être digne et doit faire perdurer la culture et l'identité du Zouk face aux nouvelles tendances.

Les Groupes mythiques d’hier

LES AIGLONS
LA PERFECTA

LES VIKINGS
SUPER COMBO

AKIYO
TABOU COMBO

Les Groupes mythiques des années 80-90 et d'aujourd'hui

MALAVOI
KASSAV'

EXPERIENCE 7
ZOUK MACHINE

DISSONANCE
ENERGY'

Le fruit d’un premier héritage

Notre approche et notre analyse font partir l’histoire musicale des Antilles avec un focus sur l’émergence des artistes des années 60/70. A l'époque les groupes tels que les Aiglons, la Perfecta, les Vikings, Super Combo, Akiyo ou même Tabou Combo d’Haiti rythment dominent les soirées Antillaises.

L'influence de plusieurs chanteurs et groupes d'origines haïtiennes est d'une telle ampleur qu'ils font partie des références incontournables de l'époque. Cette complicité avec les artistes originaires d'Haïti a perduré et existe encore aujourd’hui et s'exprime à travers les nombreuses collaborations avec la nouvelle génération comme Beethova Obas, Carimi ou T-Vice. Le Kompa et le Zouk ont donc évolué côte à côte toutes ces années.
Les échanges avec d‘autres îles comme Trinidad et Tobago, la Dominique ou encore Sainte Lucie montrent la complicité et la raisonnance artistique entre ces peuples qui ont la même histoire.

Au delà de l'influence haïtienne, la musique antillaise bénéficie déjà d’un premier héritage insoupçonné avec le travail du talentueux Marius Cultier. Natif du quartier des Terres Saintville en Martinique en 1942, il grandit dans un environnement favorable, dans les pas de musiciens connus comme Barel Coppet.

Le talent de Marius s’exprime de manière précoce. Dès l'âge de 9 ans il est déjà chef d’orchestre de l’ORTF. Il découvre également le Jazz très tôt et le mixe intelligemment avec les sonorités locales. Très sollicité il se produira dans la Caraïbe et remporte même à l’âge de 16 ans, le 1er prix du « Piano International Contest » à Porto Rico en interprétant de manière magistrale et remarquable « Round Midnight » de Thélonius Monk devant une centaine de pianistes confirmés. Il poursuit sa carrière au Canada puis en Europe, avant de revenir en Martinique et de lancer des projets qu'il n'aura pas le temps de concrétiser. Comme beaucoup de génies, l’étendue de son oeuvre ne sera estimée à sa mesure réelle qu’après son décès.

Un des exemples de l’héritage de Marius Cultier est le « Concerto pour la Fleur et l’Oiseau » interprété par Jocelyne Bérouard en 1982.

Les années 80 - 90 : L’Age d’Or du Zouk

L’avènement du ZOUK au début des années 80 se poursuit jusqu’au milieu des années 90. En 1994/1995, malgré l'émergence de nombreux groupes talentueux à succès, la majorité des artistes de la première heure maintient la cadence et reste au sommet de son art.

Les musiciens, compositeurs et chanteurs de ces deux décennies ont fait connaître la culture, le créole et les sonorités des Antilles, dans le monde entier (Europe, Asie, Afrique, Océan indien, Amérique du sud, Pacifique, USA et même au sein de l'ex URSS). L’organisation des « Grands Méchants Zouk » propulse les artistes aux premiers plans de scènes mythiques telles que l’Olympia, le Zénith ou le Madison Square Garden à New-York. Qui étaient ces artistes qui réussissaient à remplir ces salles aussi bien que les Rolling Stones ?

La notoriété et le talent du groupe Kassav sont allés jusqu’à interpeler le grand Miles Davis et aujourd'hui des personnalités comme Marcus Miller, Peter Gabriel connaissent et apprécient le Zouk.

Les artistes comme Gille Floro, Tania St Val, Jean-Michel Rotin, Edith Lefel, Eric Virgal, Ronald Rubinel, le trio des Zouk Machine ou l’épique Francky Vincent, pour les plus connus, ont enchainé les tubes, les succès et les plateaux TV, orientant ainsi les projecteurs vers la Martinique et la Guadeloupe pendant des années.

L’EMOTION : Une musique ancrée chez la génération KASSAV’

Les antillais ont toujours été en première loge et ont bénéficié de chaque avant première. La jeune génération des années 80/90 a grandi et côtoyé de près les artistes et a connu, de manière privilégiée, l'écoute des premières notes sur vinyle de chacun des morceaux références du Zouk.

Nombreux sont ceux qui peuvent associer des tubes aux souvenirs d’une première sortie, d’une première danse, d’un premier flirt, d’une première peine amoureuse vécue sur les mélodies et paroles de Patrik St Eloi ou Gilles Floro. Nombreux sont ceux qui connu leur premier bain de foule et de joie collective lors d’un concert de Kassav', d’un Grand Méchant Zouk. En grandissant la tendance s'est confirmée lors des lives très animés et ambiancés des groupes Taxi Kréol et Kwak aux Trois îlets en Martinique ou à Lakasa Musik en Guadeloupe.

Toutes ces premières émotions sur des mélodies qui raisonnent et parlent à tout un peuple ont rendu ces morceaux intemporels. Personne ne peut se lasser d’écouter « la pli si tol », « lanmou raid », « Tempo 106 », « Mistè la i a » et bien d’autres tubes. Aujourd'hui encore toute cette génération, contemporaine de ces titres, vibre encore et en re-demande dès les premières notes !

À cela, nous devons rajouter l'absence de tout phénomène de starification à l'européenne. Les artistes, pour la très grande majorité, résident aux Antilles, et restent visibles et très accessibles dans la vie quotidienne. Cette proximité et cette complicité ont aboutit sur une relation fusionnelle entre le public et les artistes. Cette relation persiste encore aujourd'hui à travers la popularité persistante des artistes antillais, retraités ou non.

Quelques pochettes de 45T (disque vinyle) de l'époque

Zouk Machine artiste et chanteuses de zouk - - La Vitrine de l'Outremer

Kassav Vinyle - La Vitrine de l'Outremer

La Longévité - L’empreinte Kassav’

Fin 2019, le groupe Kassav était en tournée pour fêter ses 40ans au moment où la crise Covid a débuté. Un an et demi après, Jacob Desvarieux nous quittait emporté par la maladie.

Alors que Pierre-Edouard Décimus et Jacob avaient su maintenir la cohésion et assurer la pérennité du groupe au fil des années, la disparition du « Poto mitan du groupe », après celle de Patrick St Eloi en 2010, pourrait bien remettre en cause l’avenir du groupe en tant que tel. La réflexion est en cours et l’avenir nous dira.

C’est aussi l’occasion pour nous en tant que public de nous plonger dans les souvenirs, de faire une rétrospective des années passées, de retracer l’évolution de notre histoire musicale, mais aussi de se poser la question de la direction que nous entendons emprunter dans les années et décennies à venir.

Les apports du groupe Kassav'

Les interventions de Fred Deshayes et Pascal Vallot sur le plateau de Guadeloupe 1ère lors de la soirée en hommage à Jacob ont permis de démontrer, guitare à l’appui, l’apport de ce dernier sur la composition. Ils ont expliqué à quel point Jacob avait simplifié la musique pour la rendre universelle.

Les nombreuses collaborations, menées au fil des années, ont contribué à étendre cette modernisation à l’ensemble du monde musical caribéen. En maintenant la barre aussi haute pendant tant d'années, albums après albums, mais également en travaillant avec les nouvelles générations, Kassav et quelques artistes de la 1ère génération zouk, ont sûrement contribué à maintenir un haut niveau d'exigences et de qualité dans les compositions.

En effet la majorité des « anciens » a au moins 30 ans de musique à son actif et est encore présente sur la scène artistique avec des albums qui conservent une qualité exceptionnelle. C’est le cas notamment de Tania St Val qui a su varier ses collaborations et s’adapter aux styles des nouveaux artistes contemporains tout en gardant son authenticité. Ses duos avec Victor O en sont un exemple. C’est également le cas des duos formés entre Fred Deshayes et Loriane Zacharie, ou Jacob Desvarieux et Admiral T.

Au final, il est possible de dire que les techniques musicales et commerciales qui ont fait la longévité du groupe mythique ont déteint et servi à l’ensemble des artistes antillo-guyanais et caribéens

Être digne de cet Héritage

Aujourd’hui se pose donc la question de cet héritage : Doit-on le perpétuer et enseigner ce savoir-faire aux nouvelles générations ou considérer que le Zouk et d’autres styles de musiques comme celle développée par Malavoi, font ou feront partie de l’histoire et seront bientôt oubliées et/ou remplacées, quand le grand orchestre sera réuni de l'autre côté.

Cette dernière hypothèse, pessimiste, n’est pas visionnaire. Nombreux sont les artistes et penseurs du monde entier qui ont marqué leur époque et continuent d'inspirer des siècles après. Notre identité n'est pas une mode et nos artistes, leurs oeuvres, leurs techniques, leur musique font partie de notre patrimoine. L’identité de l’Outremer, des Antilles, de la Guyane de l’Océan indien, du Pacifique passe en autres par la mémoire et sa transmission.

Le débat est donc ouvert sur la méthode, qui elle, se doit d'être visionnaire. Donnons à nos enfants la possibilité d'être fiers de ce patrimoine et offrons leur la possibilité de le développer, en apportant leur touches personnelles et artistiques. C'est ainsi que la musique Zouk pourra être modernisée tout en conservant son authenticité et ainsi résister aux influences extérieures.

Une reconnaisance trop souvent post mortem

Pour terminer, souvenons nous que l'apport et l’héritage de Marius Cultier, mais également celui d’Eugène Mona, n’ont pas été jugés à leur véritable valeur de leur vivant. Prendre du plaisir en écoutant de la musique est devenu si naturel de nos jours, qu’on en oublie que le bien-être procuré contribue à l’équilibre de nos journées. #zouklaséselmédicamannouni.

Les décès de Jacob Desvarieux et de Jacky Bernard (membre de FALL FRET et de MALAVOI) viennent rallonger la liste de ceux qui n’ont peut-être pas été remerciés et honorés comme ils le méritaient. Les Hommes et les Femmes partent mais les artistes rentent et rentrent dans la légende.

Ceux qui filent déjà avec les étoiles (#filézétwal)

Maris Cultier (1942 – 1985)
Paulo Rosine (1948 – 1993)
Gilles Floro (1964 – 1999)
Edith Lefel (1963 – 2003)
Jean Paul Soïme (1950 – 2007)
Patrick St Eloi (1958 – 2010)
Jeff Joseph (1953 – 2011)
Christian de Negri (1946 – 2013)
Eric Brouta (1961 – 2014)
Jenny Jonathan (1959 – 2015)
César Durcin (1957 – 2016)
Freddy Hovsepian (1944 - 2021)
Jacob Desvarieux (1955 – 2021)
Jacky Bernard (1952 – 2021)
Ruddy Benjamin (1958 - février 2024)
Paulo Albin (1946 - novembre 2024)
Patrick St Elie ( 1661 - décembre 2024)

Qui sont ils ?

- Les artistes avant 1997

Liste non exhaustive des compositeurs, chanteurs, musiciens, arrangeurs

- Les Groupes

- La Nouvelle génération

Remerciements

Merci à Didier ADREA (opérateur de prises de sons / Monteur et Mixeur son) pour les images scannées des pochettes vinyles (45T).

LA VITRINE DES OUTRE☀️MER